Le commerce électronique, c'est 90% de service

article extrait de Netsurf, n°26 de mai 1998, page 99

Dixit Olivier Guérin, PDG de Machination, et Mathieu Jan, chargé d'étude

Netsurf : Depuis votre première étude réalisée en 1996, qu'est-ce qui a changé dans le paysage du commerce électronique français ?

Olivier Guérin : La phase d'expérimentationest terminée. En 1997, les entreprises ont compris qu'Internet était une nouvelle forme de commerce. Plaquer les méthodes de vente traditionnelle sur le Net, ça ne marche pas. Les entreprises ont donc consenti plus d'investissement marketing et engagé une véritable réflexion sur les services. Elles semblent avoir compris qu'Internet, c'est 10% de produits et 90% de services. Elle est là, la valeur ajoutée du Réseau : dans la personnalisation de la recherche, la commodité, la convivialité, la capacité à apporter une information exhaustive sur les produits. Un vépéciste peut exploser son arsenal commercial en donnant de l'information technique. Il peut faire des préconisations, des promotions, mettre en valeur les produits associés...

Netsurf : D'autre tendances fortes ?

Olivier Guérin : Le ciblage. On a vu apparaître les groupements d'intérêts, les communautés virtuelles. Aujourd'hui, on réalise des sites sur la mode ou pour des biens publics bien identifiés... Dans le même temps, un travail de réflexion sur la marque a été initié. Les entreprises s'aperçoivent qu'elles doivent conserver leur identité et les signes forts de la marque, mais changer quasiment tout le reste. C'est toute la politique de communication qui est aussi remise en cause.

Netsurf : Qui gère le dossier commerce électronique dans les entreprises ?

Olivier Guérin : Tout dépend de la taille de l'entreprise. Dans les PME, on en est encore au stade de bricolage. C'est le directeur général ou le responsable commerciel qui a passé ses vacances aux Etats-Unis et qui est revenu emballé par ce qu'il a vu. Dans les grandes entreprises, ce sont les branches marketing et commerciales qui ont hérité du dossier, au détriment du service informatique, au détriment du service informatique qui était moteur au départ.

Netsurf : Ce travail de réflexion et de réorganisation porte-t-il ses fruits ? Autrement dit, les chiffres d'affaires sont-ils en progression ?

Mathieu Jan : L'augmentation du chiffre d'affaire croît arithmétiquement avec le nombre de personnes connectées. Il y a de plus en plus de personnes qui se connectent et qui achètent. Beaucoup de sociétés ont déjà atteint leur point mort ou sont sur le point de le faire grâce à l'accroissement très rapide enregistré depuis le mois de décembre.

Netsurf : Les internautes français n'hésiteraient donc plus à laisser leur numéro de carte bleue sur le Réseau ?

Mathieu Jan : Les services qui marchent fonctionnent tous avec un paiement sécurisé type SSL. On peut donc effectivement penser que le fameux blocage psychologique s'estompe. Les gens commencent à savoir qu'il n'y a pas plus de danger de se faire pirater son numéro de carte bleue sur le Net que sur Minitel ou par téléphone.

Netsurf : Existe-t-il une recette pour bâtir un site qui marche ?

Mathieu Jan : Le premier critère de réussite réside sûrement dans l'arborescence. Elle doit être très courte. Quand vous savez que la moyenne des pages consultées par un visiteur sur un site est de trois, s'il faut cliquer dix fois avant d'arriver à la commande, cela ne peut fonctionner. Les sites qui vendent concentrent un maximum d'informations et d'entrées sur la page d'accueil. Ils offrent tout de suite la possibilité de passer commande. Dans le même ordre idée, les vépécistes qui permettent aux internautes d'acheter en enregistrant simplement la référence du produit ont tous vu leurs ventes exploser.

Netsurf : Quelles évolutions faut-il attendre pour l'année 1998 ?

Mathieu Jan : De nouveaux sites. Les sites actuels ont un ou deux ans et leur arborescence n'est pas évolutive. On va assister cette année à la naissance d'une deuxième génération qui emploiera massivement les bases de données. Les sites deviendront dynamiques et de plus en plus performants.

Propos recueillis par Antoine Delboscq