 |
|
Historique
Implication sur le commerce |
Selon le rapport parlementaire du groupe de travail présidé par Francis Lorentz, le commerce électronique, dénomination francophone de l'e-business, est " l'ensemble des échanges électroniques liés aux activités commerciales : flux d'informations et transactions concernant des produits ou des services ". L'e-business, avant d'être une marque du géant américain IBM, est donc une dénomination permettant de regrouper toutes les activités marchandes liées à de l'information numérisée. Ces activités concernent aussi bien les relations inter-entreprises que les relations consommateurs. Elles peuvent avoir des degrés de numérisation divers. Dans certains cas, seule la transaction est numérisée dans d'autres, c'est l'intégralité du produit qui l'est.
Considérant cette acception de l'e-business, nous nous intéresserons d'abord, dans cette deuxième partie, à montrer que le commerce électronique est un phénomène qui a accompagné depuis plusieurs décennies les développements technologiques décrits dans la précédente partie. Nous étudierons ensuite la situation actuelle du commerce électronique via Internet. Puis nous analyserons Internet en tant qu'outil économique, afin de mieux comprendre le fort développement récent de l'Internet marchand.
Un nom nouveau pour un concept déjà ancien
L'électronique est née à l'issue de la Seconde Guerre Mondiale, avec l'invention du premier transistor. Le transistor, objet de silicium plutôt volumineux à ses début est devenu tellement évident aujourd'hui qu'on oublie ou ignore souvent que les microprocesseurs sont omniprésents, par millions voire par milliards, dans nos cartes bancaires, nos voitures ou nos ordinateurs. Avec l'électronique, possibilité de faire des opérations logiques avec de l'électricité, est née l'informatique, c'est à dire la capacité de traiter de l'information avec des électrons.
L'informatique a peu à peu conquis l'ensemble des champs de l'économie depuis 30 ans. De produit, l'informatique est devenue outil omniprésent. La découverte des réseaux et le développement de la télématique, c'est à dire du traitement de l'information à distance, lui ont ouvert les portes du commerce, jusqu'à en faire une technologie indispensable. Dans cette optique, le commerce électronique a bien plus de cinq ans.
En effet, les grandes innovations en termes de télématique apparaissent au début des années 80. En France, le Minitel est introduit gratuitement dans les foyers à l'initiative de ce qui deviendra France Telecom. Conçu comme un service d'accès à l'information à distance, le Minitel devient très rapidement, vers le milieu de la décennie, un redoutable outil commercial. Les services payants s'y développent et connaissent un succès grandissant, grâce, d'une part, à la bonne fiabilité du système qui garantit la sécurité des transactions et d'autre part au développement des cartes bancaires.
Les banques vont utiliser l'informatique pour donner naissance à ce qui peut également être appelé commerce électronique : le transfert monétaire par voie numérique. Les réseaux interbancaires naissent à cette époque et garantissent depuis toujours plus de transactions dématérialisées.
Durant les années 80, les Etats-Unis développent les BBS (Bulletin Board Systems), serveurs télématiques locaux comparables au Minitel français. De nombreuses BBS deviennent commerciales et permettent aux Américains connectés d'effectuer des achats à distance.
Dans le domaine professionnel, les années 80 et 90 voient le développement de l'EDI (Electronic Data Interchange). Ces réseaux inter-entreprises, reliant souvent un fournisseur et son client dans une chaîne industrielle permettent aux entreprises d'effectuer des commandes, des paiements et tout autre sorte d'échange d'information numérique. On voit donc que la notion de commerce électronique s'est très largement développée depuis 20 ans, les utilisations décrites ci-dessus étant loin d'être uniques.
On peut alors s'interroger sur la publicité faite depuis quelques années au commerce électronique. Peut-être le terme est-il mal choisi ou peut-être s'agit-il d'un engouement déraisonné pour une innovation relativement ancienne.
La véritable innovation concerne l'intégration complète des processus de commerce électronique par le réseau. L'Internet permet en effet de consulter de l'information multimédia numérisée, d'effectuer des transactions commerciales numérisées, et surtout de recevoir des produits numérisés directement sur son terminal. Cette intégration est une révolution : même si elle s'inscrit dans la continuité de phénomènes qui ont plus de 20 ans, elle ouvre réellement de nouveaux horizons.
Panorama de la situation actuelle
- La population du Web
Aujourd'hui, comme nous l'avons déjà vu, le nombre d'internautes dans le monde est estimé à 300 millions. En France, les chiffres les plus récents varient entre 4 et 10 millions selon les études et la définition retenue d'internaute (récurrence de l'usage, lieu de connexion, types d'utilisation du réseau...). Ces chiffres nous indiquent donc une progression plus exponentielle encore que celle prévue par les études, pourtant généralement optimistes. La variété des chiffres nous informe également sur une constante du secteur : il est difficile d'obtenir des informations fiables sur les internautes. Les études sont généralement réalisées à base de questionnaires déclaratifs et le trop court historique limite ses retraitements statistiques.
Aux États-Unis l'internaute est, à probabilités égales, un homme ou une femme. Il est encore relativement jeune et gagne plutôt bien sa vie. Cependant, durant les deux dernières années, le public américain a eu de plus en plus de facilité à accéder au réseau, ce qui a notamment permis à un public oublié au début (par exemple le troisième âge), de bénéficier de services dédiés. Globalement, la composition de la population internaute nord-américaine reflète celle de la société, malgré de légères distorsions, notamment sur les catégories sociales les plus défavorisées.
En matière de population internaute, la France est en passe de rattraper son retard sur ses voisins européens. D'après une pondération des études Mediangles et Benchmark Group, on compte aujourd'hui 5 millions d'internautes français. 70 % d'entre eux sont des hommes. Ils disposent majoritairement de revenus importants et sont généralement urbains, même si une fois de plus, les populations rurales profitent de plus en plus du réseau. La population française internaute n'est donc pas représentative de la population du pays, ce qui a fortement influencé les orientations éditoriales et commerciales du Web.
- Où sont les entreprises en ligne ?
Les chiffres de 98 traduisaient un important retard de la France sur ses voisins européens et sur les Etats-Unis. Si l'on en croit l'actualité médiatique récente, il n'est plus de salarié français qui ne dispose d'une adresse e-mail ni d'entreprise qui n'ait son site Web et qui ne vende ses produits en ligne. Plus objectivement, la France a connu un très fort développement de son taux d'équipement et une appropriation rapide du réseau sur les deux dernières années. Les Etats-Unis, dont le taux d'équipement des entreprises en connexion avoisine les 100% conservent une longueur d'avance, mais l'écart se réduit de fait.
Les raisons de ce rattrapage sont notamment le fait d'une politique publique plutôt volontariste et d'une offre plus riche à l'issue de la libéralisation du marché des télécom. Il est important de noter que les PME et les grandes entreprises se sont mises à l'Internet avec une forte réactivité.
- Que vend on en ligne ?
Depuis les débuts récents du commerce électronique sur le Web, les produits qui connaissent le plus fort succès sont généralement issus de " la première génération de sites marchands ". En premier lieu, on trouve le matériel et les logiciels informatiques, que l'on nomme le secteur captif. L'exemple le plus réputé est celui de l'irlandais Dell qui vend plus de la moitié de son matériel via le net. Pour le logiciel, on ne compte plus le nombre de sites qui proposent le téléchargement payant de logiciels commerciaux (l'un des plus connus étant certainement buy.com).
Les produits qui se vendent le mieux sont les produits numérisables et ceux de faible poids. On trouve dans ce domaine les voyages, les invitations et places de spectacle, les livres, la musique, les cadeaux et les fleurs.
Dans le domaine du BtoB, la situation est légèrement différente. Depuis plus longtemps, les entreprises ont profité des avantages d'Internet pour développer leurs transactions commerciales. Des chaînes logistiques se sont montées autour du réseau : les commandes, les paiements et de nombreux transferts sont désormais effectués de manière dématérialisée. Dans l'industrie automobile, ces évolutions ont par exemple permis la mise en place de systèmes d'information capables de relier tous les intervenants de la chaîne industrielle et logistique (des concessionnaires jusqu'aux fournisseurs de matières premières).
Les perspectives et limites de l'e-commerce
Plus récemment, une deuxième génération de sites marchands est née. Ce sont généralement des sites de services utilisant certaines qualités de l'Internet (universalité, immédiateté...) pour asseoir leur valeur ajoutée. Le meilleur exemple est certainement celui des sites boursiers qui après avoir fait exploser le marché américain du courtage en ligne s'attaquent à la France depuis quelques mois. On trouve également dans ce registre les facilitateurs d'achat (shopbots, sites d'enchères et sites d'achat groupé). Les sites s'organisent selon une logique sectorielle ou thématique. Dans les domaines de l'immobilier, de la banque, de la santé ou de l'automobile, certains sites proposent l'intégralité des services de leur secteur.
Enfin, la France a récemment découvert les cybermarchés (Houra, Ooshop ou Cmescourses). Ces sites tentent de démontrer que tout est vendable par Internet. Deux conditions étaient nécessaires à ces évolutions : l'arrivée massive du grand public et la création de chaînes logistiques performantes.
Dans la plupart des secteurs, la vente en ligne ne représente encore qu'une partie marginale des échanges. Dans le cas où les achats en ligne nécessitent des livraisons physiques, les questions de coût et de mode d'acheminement sont souvent problématiques. Les zones de livraison sont souvent restreintes (régionales ou nationales), ce qui traduit une tendance paradoxale d'Internet : à vocation mondiale, il offre souvent des services à focalisation locale.
L'ensemble de ces échanges est soumis à la confiance accordée aux transactions par Internet. La défiance qui entoure encore les achats sur le Net est un des principaux freins au développement de ces derniers.
Cependant, le principal frein au développement de la consommation via Internet vient peut-être de l'offre elle-même. Il semble en effet que l'e-commerce reste à inventer en utilisant au mieux le media, en inventant de nouvelles méthodes commerciales et en dépassant le stade de la simple vente par correspondance.
A l'image de la grande distribution à ses débuts, les sites marchands semblent se focaliser sur le faible niveau des prix pratiqués. Cependant, les prix proposés ne sont pas forcément inférieurs à ceux constatés dans la distribution traditionnelle. Le positionnement discount est donc étonnant, voire dangereux. A ce jour, à force de faire appel à l'opportunisme du consommateur, la plupart des sites oublient de réfléchir à la construction de leur marque, à la valeur ajoutée de leur intermédiation ou à leur politique de fidélisation. Si les marchés de l'achat en ligne se normalisent, ces considérations marketing deviendront pourtant de première importance.
|